Le nuage cause-t-il des changements climatiques?

04-06-2020 / Tristan Kosciuch

Les effets de l’infonuagique sur les changements climatiques sont complexes. Les centres de données consomment de l’énergie et dans la foulée, émettent des gaz à effets de serre. Il est projeté que d’ici 2030, le secteur des technologies de l’information et des communications accaparera près de 30 % de la demande en énergie à l’échelle planétaire. La technologie Internet consomme actuellement 7 % de l’apport énergétique mondial et laisse la même empreinte carbone que le domaine de l’aviation.

Ce n’est pas la source de 7 % de la demande globale en énergie qui fera échouer la bataille contre les changements climatiques. On a beaucoup insisté sur ce fait dernièrement tandis que les populations restaient à la maison pour éviter la propagation de la COVID-19. Pour ceux qui sont assez fortunés pour se payer un abonnement, regarder Netflix en rafale n’a jamais été aussi crucial. Malgré cela, la chute des secteurs du transport et de la production a donné lieu au plus faible taux d’émissions de carbone depuis des années. Il est donc évident que la bataille contre les changements climatiques exige une approche sociétale. 

Une approche sociétale comprend les émissions de la technologie infonuagique, rendant la critique de l’empreinte carbone de cette technologie valide, oui, mais le fait de réduire l’empreinte infonuagique en elle seule n’arrêtera pas les changements climatiques.

Attardons-nous un moment à l’empreinte carbone de l’infonuagique. Certains fournisseurs sont plus écologiques que d’autres. Chez CloudOps, nous dépendons en grande partie, du système hydro-électrique du Québec, lequel attire des partenaires soucieux de l’environnement comme le centre Woods Hole Research Center

L’entreprise Microsoft s’est engagée fermement à un bilan carbone négatifd’ici 2030, en séquestrant plus de CO2 qu’elle n’en produit. Google, lui, égale chaque kilowatt-heure d’énergie non renouvelable utilisée par ses centres de données en achetant de l’énergie renouvelable, son objectif fut atteint en 2018. Il est vrai que de s’appuyer sur de l’énergie achetée pour contrebalancer ses émissions est assez controversé, mais l’ampleur avec laquelle Google a mis en œuvre cette politique, en plus d’investir dans de nouvelles capacités renouvelables, fait que la contribution environnementale de Google a un impact significatif. Apple aussi a considérablement investi – 83 % de sa consommation d’énergie provient d’énergie renouvelable. 

IBM s’est engagée à utiliser 55 % d’énergies renouvelables d’ici 2025, affirmant que depuis 2018, déjà 38 % de sa consommation d’énergie était renouvelable. Malheureusement, Alibaba Cloud s’appuie en grande partie sur le système chinois dépendant au charbon. AWS d’Amazon fait des progrès pour se distancier du charbon et a installé plusieurs stations électriques solaires et éoliennes un peu partout dans le monde, mais il lui reste du chemin à faire tandis que ses activités au nord de la Virginie, « la capitale mondiale des centres de données » prennent rapidement de l’expansion. Elle n’y a pas investi, et ne planifie pas de le faire, dans les énergies renouvelables depuis 2016. Les entreprises Microsoft et Facebook ont aussi augmenté leurs activités dans le nord de la Virginie, mais elles ont également augmenté leur investissement dans les énergies renouvelables. Apple, quant à elle, a effectué un virage complet dans les énergies renouvelables pour ces centres de données au nord de la Virginie. En réalité, la Virginie septentrionale (où seulement 4 % de la consommation d’énergie provient d’énergies renouvelables et où environ 40 % des nouvelles infrastructures infonuagiques ont été mises en place en 2018) est l’une des plus grandes sources au monde d’émissions de carbone provenant des technologies infonuagiques.

Toutefois, il faut savoir que même si 100 % des infrastructures infonuagiques du nord de la Virginie étaient propulsées par de l’énergie renouvelable, cela ne changerait en rien le réchauffement planétaire ; et que de façon générale, les entreprises infonuagiques investissent dans les énergies renouvelables de manière disproportionnée comparée à d’autres secteurs industriels. Une partie de moi croit que les arguments qui disent que les pratiques du secteur de l’infonuagique vont à l’encontre des changements climatiques avantagent les secteurs pétroliers, de la même façon que les gens croient que les environnementalistes veulent faire fermer YouTube. Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas, car j’ai dans mon entourage des scientifiques environnementaux. L’objectif prioritaire est, et devra toujours être, d’abandonner les énergies fossiles comme source d’énergie dans tous les secteurs.

Mais comment peut-on y arriver? Cela vaut le coup de considérer une multitude de possibilités. Le Projet Drawdown est une excellente ressource. Le magazine Drawdown review compile des solutions aux changements climatiques et propose des façons de réduire les gaz à effets de serre dans l’atmosphère. Il se concentre sur trois sphères principales : réduire les émissions, appuyer les puits de carbone et améliorer la société.

Drawdown démontre qu’en plus d’augmenter la production d’énergies renouvelables, il ne faut pas négliger certains autres domaines. Par exemple, il sera important d’optimiser le stockage et l’élimination de réfrigérants chimiques, ceux-ci émettent d’importants gaz à effets de serre, car leur utilisation prend de l’expansion. Il faudrait également manger des protéines se trouvant plus bas dans la chaîne alimentaire en réduisant ou en remplaçant la consommation de bœuf, en particulier ; cela empêchera les puits de carbone naturel d’être transformés en terres cultivables. Calories pour calories, les diètes sans viande sont beaucoup plus écologiques. Même le bœuf naturel nourrit à l’herbe n’est pas une solution viable, puisqu’il ne répondra jamais à la demande en viande du monde d’aujourd’hui. On peut constater les impacts biologiques dévastateurs, particulièrement au Brésil, où la forêt tropicale est défrichée pour élever du bétail. Aux États-Unis, la zone est immense.

La proportion de terre utilisée par différents secteurs aux États-Unis est présentée en territoires ininterrompus. On peut très bien voir la surface terrestre utilisée pour élever du bétail et pour produire son alimentation. De Bloomberg en 2018.

Toutefois, l’infonuagique pourrait venir à la rescousse, car de nombreuses technologies énergétiques modernes vont incorporer certains aspects de l’infonuagique/IdO. Les aspects relatifs à la sécurité et à la vie privée concernés par la nouvelle génération de réseaux intelligents sont semblables à ceux d’Internet. Et tout comme pour Internet, la définition de son utilisation éthique doit être faite tôt.

À ce stade-ci de nos avancées technologiques, la capacité de transporter et de distribuer de l’énergie sur des longues distances est primordiale pour combattre les changements climatiques. Les énergies renouvelables peuvent être générées à travers les fuseaux horaires. Les marchés énergétiques peuvent s’ouvrir à des petits joueurs, car leurs productions d’énergie peuvent être vendues aux heures de pointe dans des régions éloignées. Et l’infonuagique sera là, assurant que tout fonctionne comme sur des roulettes.

Tristan Kosciuch

Tristan est biologiste évolutionnaire et s’intéresse aux effets que le niveau du paysage a sur les variations génétiques et phénotypiques. Il travaille sur l’ile de Vancouver et étudie l’épinoche à trois épines ainsi que dans le bassin du Lac Victoria où il étudie la perche du Nil et l’haplochromine cichlids. Pour son travail sur l’épinoche, il utilise la télédétection afin de quantifier les environnements et tester la prévisibilité de l’évolution.

 
 

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